Hommage à Martin Winterberger, unique évadé du camp du Struthof

Samedi 1er octobre, une stèle à la mémoire de Martin Winterberger, seul détenu à avoir réussi son évasion du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, a été dévoilée par sa famille.

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Dévoilement de la stèle.

La cérémonie s'est déroulée sous la présidence du maire de la commune de Gresswiller (67190), de Mme Mireille Hincker, présidente du comité Alsace-Territoire de Belfort de l’Association nationale des plus grands invalides de guerre (ANPGIG), et avec le concours de l’association pour les études de la résistance intérieure en Alsace (AERIA).

L'évènement, important et émouvant pour beaucoup dans cette partie de l’Alsace, était accompagné du baptême de l’école élémentaire communale du même nom de Martin Winterberger, originaire de Dinsheim, proche de Gresswiller et dont il a fréquenté l’école de la commune qui lui rend hommage aujourd’hui. Pour avoir osé chanter en français, L’amour est passé près de vous, de Maurice Chevalier, Martin Winterberger apprit à ses dépens ce qu’il en coûtait de parler cette langue dans une Alsace soumise aux lois du gauleiter Robert Wagner, qui prétendait être en mesure de nazifier l’Alsace-Moselle en moins de 5 ans.

La cérémonie fut soigneusement préparée par Mme Hincker, les autorités municipales, et surtout par les élèves de l’école qui ont fait écho au discours de Mme Hincker et qui ont repris en chœur, à la fin de cet évènement, La Marseillaise puis l’hymne européen.

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Elle a été également ponctuée par un discours extrêmement profond du directeur du centre européen du résistant déporté, Guillaume d’Andlau, dont voici quelques extraits :

« S’évader d’un lieu de détention traverse l’esprit de bien des détenus. ... La réussite couronne rarement la tentative et si, en démocratie, le prisonnier repris risque un alourdissement de sa peine, dans un régime totalitaire, c’est souvent la mort qui attend l’individu de retour en détention. C’est cette peine qui est dévolue aux déportés des camps nazis … Pour Himmler, chef de la SS et des camps, cette exécution, dans le lieu de détention, doit devenir la norme. Chaque évadé repris doit mourir devant ses camarades.

Dès lors que faire ? Subir son destin et attendre une hypothétique libération même si dans les camps la vie ne tient qu’à un fil et que l’horizon de la liberté est bouché ou tout du moins bien lointain ? Ou alors tenter le tout pour le tout, au risque de prendre une balle dans le dos ou de se balancer au bout d’une corde ? L’immense majorité des concentrationnaires fait le choix contraint de l’attentisme. C’est ce que racontait très humblement Pierre Rolinet, un ancien déporté décédé en avril dernier, lorsque qu’il confiait à son étoile la prière suivante "Mon Dieu, aidez-moi à ne pas faire d’erreur. Aidez- moi à être patient, Aidez- moi à être discipliné", parce que, comme il le précisait dans ces situations : "de petites choses peuvent vous coûter la vie."

À Natzweiler s’évader du camp principal est extrêmement difficile. La triple enceinte barbelée, les miradors, les gardes, les chiens l’isolement du lieu et également l’état physique des déportés rendent la fuite quasi impossible. L’exception est la règle puisque seule celle du 4 août 1942 couronne de succès celle de Martin Winterberger. Elle est la partie émergée, brillante, pleine d’audace d’un iceberg fait de sang, de douleur, de mort. Celui de ceux qui ont tenté leur chance et ont payé de leur vie cet appel à la liberté …

En définitif, si à Natzweiler, comme dans les autres camps, les évasions sont rares et s’achèvent souvent dramatiquement, leur potentiel de réussite même réduit, entretient cependant l’espoir enfoui au plus profond de chacun des détenus. Il permet tout comme la foi ou la solidarité, de tenir. La légende du perchiste qui s’évade grâce à un saut par-dessus les barbelés et qui circule à Natzweiler et dans d’autres camps, est particulièrement révélatrice de cet état d’esprit. Même si le sauteur est repris et exécuté, la légende fait sens pour les autres détenus. Elle apporte à chacun qui veut y croire la perspective de l’impossible : s’évader d’un camp, échapper à son destin par un geste fou. Aujourd’hui en honorant la mémoire de Martin Winterberger, ravivons la mémoire de tous ces hommes qui ont voulu donner une réalité à leur rêve de liberté. »

Nicolas Gény, ONACVG du Bas-Rhin.

© ONACVG

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